• • Un monde puissant et délicat

    Exposition « Anima » à « L’Isula »

    Blanc. Noir. Transparence. Légèreté. Lumière au jeu d’ombre «Anima », l’exposition de Patrizia Pinzuti-Gintz nous entraîne dans un monde à la singulière puissance et délicatesse.

    Les œuvres montrées à « L’Isula » chez Patrizia Poli déclinent une gamme très riche de matériaux et de moyens qui vont de la couture au dessin le plus raffiné. Le plus élégant et en l’occurrence le plus convaincant. Féerie immaculée vibrant aux accords sobres de l’obscur, du tourmenté et demeurant malgré tout aérienne comme si l’impalpable était soudain matérialisé. Concrétisé. Toujours avec la plus évidente des grâces.

    La visite commence par des dessins extrêmement subtils et sensibles d’après des peintures de Léonard de Vinci. Pièces sophistiquées, troublantes, émouvantes en particulier cette « Miséricorde », femme christique rayonnante de beauté et de bonté sous sa gravités d’expression et sous la fragilité de ses traits. Et voilà à sa suite qu’un autre visage de femme se met, par des superpositions de papier, à défier le spectateur en lui révélant qu’à l’occasion sa vue peut être plus affûtée de loin que de près et que finalement c’est au personnage, dans son cadre, qu’il convient de le regarder. Inversement de la donne !

    Récurrence de l’enfance à travers ces vitrines où se conjuguent ces minuscules trucs qu’on ramasse et qu’on amasse petit pour se construire une réalité et pour nourrir ses rêves. Et voilà des réalisations fleurissant aux doigts de l’artiste en des formes pleines de finesse pour conter des merveilles où pour stimuler l’imaginaire de celui qui voit.

    Avec « L’insoutenable légèreté de l’être » la plasticienne fait un judicieux et éclairant emprunt à l’écrivain Kundera. De sa plume elle tisse des dentelles déroulant un parcours onirique dans lequel s’épanouissent la justesse et l’intelligence de son intuition. Au cœur de « L’Isula » flotte telle une bannière une pièce où se lisent des tracés archaïques hérités de la préhistoire. Invitation heureuse à remonter la boucle du temps des origines. Et l’on s’interroge sur le flamboyant titre de cette œuvre, « Mythologie à la lune bleue ». Une interrogation non pour engranger des réponses qui pourraient être trop vite périmées mais des questions tant vivre c’est se questionner et questionner l’univers.

    Michèle Acquaviva-Pache

     

    A voir tous les après-midi, sauf le lundi, à « L’Isula », rue des Jardins à Bastia.

    06 09 90 90 12

     

    Projets

    Patrizia Pinzuti-Gintz s’apprête à faire deux expositions à Grenoble. L’une lors des « Journées d’art contemporain » pour Noël. L’autre à « La Maison des arts plastiques de l’Isère » sur le thème du corps. Elle doit lancer un atelier de dessin d’observation dans une galerie grenobloise et voudrait faire une mise en scène pour Patrizia Poli.

     

    « Les visages chez Léonard de Vinci c’est une apothéose »

     

    Pourquoi cet intitulé « Anima » ?

    Patrizia Pinzuti-Gintz : J’adore la philosophie et surtout la métaphysique. J’aime lire les philosophes grecs, Platon, Aristote. Les vitrines que j’expose sont un travail sur l’âme.

    Avez-vous une manière particulière de travailler ?

    Je travaille à la Mary Poppins ! Mon bureau c’est ma table de coupe de couture où tout est posé, où tout s’entrecroise, tout ce que les gens ne verront jamais : les points, le bâti, le fil, le patron … Bref, tout l’envers du décor … Il y a aussi ma fascination pour la peinture toujours présente.

     Vos matériaux ?

    La tarlatane qu’on emploie pour confectionner les chapeaux. L’organza de soie qui est une technique de tissage. Le tulle. Le fil. Le papier de soie. Les dentelles que je dessine.

    Dans le texte de présentation de votre exposition vous vous référez à l’Égypte ancienne, à la préhistoire, aux mythes. Pour quelle raison ?

    Sans le savoir, sans en être conscient souvent, on est imprégné de culture religieuse. Pour éviter de tomber dans la proximité très étroite qu’on entretient avec notre environnement judéo-chrétien je me suis tournée vers les croyances pharaoniques. C’est une façon d’aller à l’essentiel. Quant à la préhistoire c’est une période fondatrice. Ne cultive-t-on pas tous le mythe des origines !.. Je ne crois pas en un temps linéaire mais en un temps circulaire d’où la présence de la spirale dans mon travail.

    Dans vos œuvres il y a aussi référence à  la Renaissance italiennes ?

    C’est pour moi l’aboutissement, la perfection technique au niveau de la figuration. C’est une façon d’exprimer la volonté d’être au plus près de la réalité. Les visages chez Léonard de Vinci c’est une apothéose.

    D’où ces trois pièces qui sont une évocation directe du maître de la Renaissance ?

    Ces visages de la peinture sont si célèbres que les gens finissent par les porter en eux. En les reprenant à mon compte je procède à quelque chose qui s’apparente à leur exhumation par le dessin. Une manière de tenter de savoir qui étaient ces jeunes femmes ? A quoi pensaient-elles en posant ? Cette expérience s’est avérée très forte ! Cela m’a permis également de soulever la question de la peinture. De sa disparition ou de sa renaissance aujourd’hui.

    Vos attirances pour la philosophie et pour le monde du spectacle ne sont-elles pas contradictoires ?

    La philosophie aborde la question de l’être avant tout et le théâtre aussi ! Shakespeare n’a-t-il pas dit que le monde entier est une scène ? Ne joue-t-on pas tous un rôle ? Mais au fond est-ce bien un jeu et se le demander c’est déjà de la philosophie. Il y a un lien étroit entre celle-ci et le monde du spectacle. Dans le théâtre antique, par la danse et par la voix,  on retrouve l’idée d’un temps circulaire où il n’y a pas une vérité mais des vérités et c’est encore et toujours de la philosophie.

    Comment l’idée des vitrines vous est-elle venue ?

    Ici, elles sont sorties de leur contexte car je les ai réalisées pour les exposer dans le sol des ruelles de mon village. C’est un travail sur les prénoms répertoriés dans les registres paroissiaux du XVIII ème siècle et sur ce qu’ils évoquent.

    Leur propos ?

    Réalisées à partir de ces petits riens qu’on glane enfant et dont on fait des trésors : bouts de bois, cailloux, écorces, fougères … ces vitrines tiennent de l’ex-voto, du reliquaire, du globe de mariée. Protégés dans leurs boites aux couvercles de verre ces objets deviennent précieux et ainsi sont transcendés.

    Vous êtes plasticienne, metteur en scène, costumière, illustratrice, un impératif que ces activités plurielles ?

    C’est parce que je ne suis pas carriériste. Parce que je fonctionne aux rencontres. C’est seulement à la fin de ma vie que je pourrais dire : j’ai été plutôt ceci ; plutôt cela !

    Propos recueillis par M. A-P

          


    Tags Tags : ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :